CAMP DE DAMIGNY
(Orne)

Construit au cours du deuxième semestre de 1939 sur un terrain de près de trois hectares situé en bordure de la route de COLOMBIERS, le CAMP D'INTERNEMENT N° 2 de DAMIGNY aurait fonctionné de décembre 1939 à mai 1940.

Il abrita des "indésirables", réfugiés allemands et ex-autrichiens en grande partie de confession juive, ayant fui le régime nazi. Ils étaient 863 en mai 1940, époque de la fermeture du camp, tous non prestataires, c'est-à-dire non affectés à des compagnies de travailleurs étrangers.

Le CAMP DE DAMIGNY avait reçu notamment des réfugiés juifs du paquebot "SAINT-LOUIS" refoulés de Cuba en juin 1939 et ayant trouvé asile en France.

Les premiers détenus de DAMIGNY auraient participé à la construction d'une route reliant COLOMBIERS à celle d'ARGENTAN. Puis, au début de l'offensive allemande de 1940, quelques soldats de la Wehrmacht y furent prisonniers jusqu'à l'arrivée des troupes d'occupation.

Inoccupé ensuite pendant un mois, le camp aurait servi d'entrepôt de matériel militaire allemand puis d'écuries regroupant les chevaux ayant appartenu à l'armée française.

En avril 1943, une nouvelle affectation lui est donnée avec la détention de réfractaires au S.T.O., résistants ou maquisards suspects.

Après le débarquement de juin 1944, des parachutistes américains et anglais y auraient été détenus jusqu'à l'abandon du camp, le 11 août 1944, par les Allemands.

Ce sont ensuite les Alliés qui en prendront possession pour y abriter des prisonniers allemands dont les derniers ne partiront qu'en octobre 1948. (Dépôt de Prisonniers de Guerre de l'Axe n° 31). Puis, toutes les installations seront vendues et le terrain rendu à l'agriculture (OUEST-FRANCE 16-8-2004).

La lettre illustrant cet article présente un grand intérêt. Elle a été adressée du HAVRE-GARE le 27 avril 1940 par la S.N.C.F. à Henry GRASS, réfugié allemand en France, interné au Camp n° 2 de DAMIGNY (Orne).

Lettre du HAVRE du 27-4-1940 adressée à un interné
allemand dans le CAMP DE DAMIGNY (Orne). (recto)

Il est à noter que l'interné Henry GRASS se trouvait encore à DAMIGNY le 4 mai et qu'il fut transféré peu de jours après au CAMP DE BASSENS (Gironde) où sa présence est attestée le 15 mai 1940 (voir le document illustrant ce camp). II est probable que la totalité des internés de DAMIGNY connut le même sort.

L'acheminement de cette lettre est pour le moins curieux ! En effet, partie du HAVRE-GARE le 27 avril 1940, elle arrivait à DAMIGNY le 29 avril (cachet d'arrivée au verso). Puis, elle fut transmise au service de contrôle postal militaire de PARIS traitant à cette époque le courrier dés prisonniers de guerre, lequel referma l'enveloppe au moyen d'une bande gommée comportant la mention CONTROLE POSTAL MILITAIRE et apposa le cachet rouge OUVERT PAR L'AUTORITE MILITAIRE UP 53. La lettre transita ensuite par le bureau de PARIS CENTRALISATEUR le 3 mai 1940. Ce service ayant fonctionné au cours de la Seconde Guerre Mondiale était destiné à faciliter le transit des correspondances et notamment l'échange de courrier entre les Chambres de Commerce.

Enfin, le 4 mai 1940, la lettre arrivait pour la deuxième fois à DAMIGNY et était remise à son destinataire.

(verso)

La griffe LE HAVRE BEAU D'ECHANGE apposée au recto ne semble pas avoir un caractère postal mais plutôt appartenir à la S.N.C.F.

Ayant questionné -en vain- la S.N.C.F. quant à l'origine de cette griffe, j'ai interrogé mes collègues du Cercle d'Etudes Marcophiles et Philatéliques de Normandie à ce sujet.

Or, je dois à M. PATARD -que je remercie- de m'avoir transmis les précisions ci-dessous qu'il a pu obtenir d'un membre de l'Association des Modélistes Havrais, spécialiste en la matière :

 

"Le bureau d'échange était un service de la SNCF. Au HAVRE, il était situé à proximité du pont Jean-Jacques Rousseau et de l'usine à gaz. Une voie permettait l'acheminement de trois wagons.

"Ce bureau recevait les colis, les lettres et des marchandises diverses de faible volume à destination ou en provenance de Martinique, Guadeloupe, St. Pierre-et-Miquelon, etc.. Colis et lettres recevaient la griffe BUREAU D'ECHANGE puis étaient mis en sacs et plombés par la douane qui avait un guichet sur place.

"Ce bureau avait le surnom de CAYENNE car il était assuré par des cheminots en punition pour faute professionnelle pendant trois ou six mois. Le travail y était pénible et sous l'autorité de chefs de service très sévères. Ils travaillaient à la journée et non plus par quart. L'effectif était de 8 à 10 cheminots en permanence. Il variait suivant le volume des marchandises.

"Ce service disparut avec la fin des cargos et l'apparition des containers. Aujourd'hui, seule subsiste la voie."

 

Quant à la présence de cette griffe sur une lettre de la SNCF adressée à un interné allemand, elle demeure, en l'absence de son contenu, sujette à interprétation.

Ce réfugié allemand aurait-il été affecté à ce service au titre de prestataire, c'est une hypothèse qui peut être avancée ?

Il faut en effet rappeler que la loi du 12 avril 1939 avait décidé l'incorporation des étrangers mobilisables, en qualité de prestataires, dans des unités régulières.

D'autres mesures élaborées par l'état-major prévoyaient qu'en cas de mobilisation, tous les étrangers de sexe masculin âgés de 17 à 50 ans seraient concentrés dans des centres de rassemblement puis répartis en unités de travailleurs au service des régions militaires ou des services publics.

Une circulaire du 30 août 1939 précisait que les étrangers considérés comme "indésirables" ne seraient plus autorisés à travailler pour la Défense Nationale et seraient traités comme des prisonniers de guerre.

Cette disposition peut-elle expliquer l'intervention de la Commission de Censure U P de PARIS (PRISONNIERS DE GUERRE)qui aurait eu à contrôler le courrier destiné à ces internés ?

Mise à jour
19/12/2009