CAMP DE GURS
(Basses-Pyrénées)

Construit en un mois et demi sur un terrain de près de 80 hectares et placé sous la direction du Commandant DAVERGNE, ce vaste camp sera opérationnel dès avril 1939 avec l'arrivée de 980 internés espagnols.

Le 16 avril, GURS regroupe déjà 4 659 réfugiés et ils sont plus de 15 000 le 25 avril. L'effectif prévu de 18 000 personnes sera vite dépassé pour atteindre 18 985 hommes le 10 mai 1939.

428 baraques avaient été édifiées pour les accueillir dont 46 réservées à la troupe. Une route de 1700 m fut créée et une voie ferrée de 3 kilomètres posée. 250 kilomètres de barbelés entouraient le camp.

Parmi les internés, plus de 8 000 appartenaient aux Brigades Internationales et provenaient en grande partie de ST-CYPRIEN. 6 000 d'entre eux arriveront à GURS le 20 avril 1939.

Si les conditions de vie se sont sensiblement améliorées par rapport à ARGELES et ST-CYPRIEN, elles n'en demeurent pas moins précaires : pas d'éclairage dans les baraques, eau sévèrement rationnée. Les internés ne pouvant faire une toilette convenable doivent lutter en permanence contre les poux, les punaises... et les rats !

Une alimentation insuffisante et mal équilibrée ajoutée au manque d'hygiène provoque des maladies et engendre un nombre important de névroses et de comportements obsessionnels.

Lettre recommandée de Moscou du 10-10-1939 à destination d'un membre du Groupe Bulgare des Brigades Internationales interné à GURS.

Après avoir hébergé des réfugiés espagnols, le CAMP DE GURS est utilisé par le régime de Vichy pour interner des prisonniers politiques et des Juifs. C'est le plus important des camps du sud de la France.

Dès octobre 1940, y arrivent près de 6 500 Juifs allemands expulsés du Pays de Bade, du Palatinat et de la Sarre, dans le cadre de l'Opération BURCKEL.

Ils seront suivis, le 19 décembre 1940, des internés espagnols de ST-CYPRIEN après fermeture de ce camp pour des raisons sanitaires.

Dans son rapport d'inspection des camps juifs en juillet 1942, DANNECKER déclarera :

"Les baraques sont en très mauvais état. Selon la direction du camp, la capacité d'absorption du camp s'en trouve fortement réduite. Nombre total d'internés (Juifs) : 2 599 dont 1 912 anciens sujets allemands, ainsi que 335 autres déportables. Il faut remarquer que sur 1 912 Juifs de nationalité ex-allemande qui, du reste, proviennent presque tous du Palatinat, 40% ont plus de 55 ans."

D'août 1942 à mars 1943, six convois transporteront 3 907 Juifs, hommes et femmes, vers AUSCHWITZ via DRANCY.

Le 1er novembre 1943, le camp est dissous et les internés sont transférés au Camp de NEXON. Il conserve néanmoins, jusqu'à la Libération, 229 internés (gitans, prisonniers politiques et de "droit commun").

Pendant l'hiver 1940-1941, 800 Juifs sont décédés à GURS.

Lettre d'un interné du 7-6-1943.

Soucieux de soulager la détresse de leurs coreligionnaires internés au CAMP DE GURS, le rabbin René KAPEL, avec l'aide de quelques compagnons d'infortune, favorisa la création au mois de janvier 1941 d'un COMITE CENTRAL D'ASSISTANCE (C.C.A.) chargé de la centralisation des différentes activités sociales, religieuses et culturelles.

Il était dirigé par le rabbin Léo ANSBACHER, aumônier du camp, Max ANSBACHER, Ludwig ZUCKERMANN, Siegfried ROTHSCHILD, Hellmut NATHAN, Ivan COHEN et Manfred BAUER, pour la plupart Juifs expulsés de Belgique au printemps 1940 et internés au CAMP DE ST-CYPRIEN jusqu'à sa fermeture fin octobre 1940.

A ST-CYPRIEN, ces hommes avaient déjà organisé un comité chargé de secourir les plus démunis et de représenter l'ensemble des internés devant l'administration du camp.

Transférés à GURS, ils n'eurent de cesse de créer un service analogue.

Très rapidement, le nouveau COMITE CENTRAL D'ASSISTANCE s'avéra d'une grande efficacité.

Dans son étude "Contribution à l'Histoire des Camps d'Internement" (Ed. du CDJC, PARIS 1946), J. WEILL en donne un exemple :

"Chaque îlot nomma un comité social composé de huit personnes dont chacune assumait le contrôle de deux baraques, de telle sorte que tous les baraquements de l'îlot étaient l'objet d'une constante surveillance.

"Le secrétaire du comité était en même temps le délégué social de l'îlot auprès du C.C.A.

"Des réunions fréquentes permirent à l'exécutif d'acquérir une vue exacte des problèmes sociaux de chaque îlot par les renseignements fournis par les délégués sociaux. La liaison avec la famille fut établie, les parents alarmés, des rapports transmis, des appels diffusés.

"De chaque mandat arrivant au camp, le destinataire versait 5% à la caisse sociale. Une modeste contribution fut également levée à l'arrivée d'un paquet. Les bénéfices des cantines fournirent un revenu régulier à la caisse centrale. De temps en temps, des bazars, des concerts furent organisés pour alimenter les fonds.

"Une des tâches les plus délicates fut le dépistage des pauvres, honteux, qui refusaient jusqu'à l'extrême limite toute forme de secours."

L'action du C.C.A. de GURS fut montrée en exemple. Elle est aussi révélatrice de l'esprit qui régnait en ce lieu et symbolise parfaitement la volonté de ne pas céder au fatalisme.

Mais avec l'intensification des déportations au cours de l'été 1942, cet organisme fut dissout, le CAMP DE GURS étant presque vide.

Lettre recommandée de Hellmut NATHAN, membre du COMITE CENTRAL
D'ASSISTANCE du CAMP DE GURS, du 4-4-1941, pour LIEGE.

Verso de l'enveloppe.

Dans une lettre recommandée du 2 avril 1941 partie de GURS le 4 avril, Hellmut NATHAN rappelle les difficiles conditions qui l'ont amené de Belgique au CAMP DE GURS :

"Je suis parti de là-bas le 1er mai (1940).
"Après un long et dur voyage à incidents variés, nous sommes arrivés, après des séjours à TOURNAI et deux camps français, au CAMP DE ST-CYPRIEN (Pyrénées-Orientales) et enfin ici au CAMP DE GURS, au début du mois de novembre (1940). J'omets une description détaillée de la situation : vous l'avez devinée. Heureusement j'ai trouvé une occupation dans un bureau du camp ce qui fait passer le temps et fait oublier... (C'est cela d'ailleurs qui me permet de vous écrire à la machine pendant une heure de loisir).

"Mes projets ? Comment en faire aujourd'hui ? Tout dépend des événements, évidemment. Je travaille à mon émigration aux Etats-Unis. Mais c'est sans illusions ! Si tout cela dure, peut-être pourrai-je (ou faut-il dire "devrai-je") partir en Amérique. Est-il besoin de vous dire que j'aimerais bien mieux vous revoir bientôt."

Entête du courrier de Hellmut NATHAN

Mise à jour
22/12/2009